La citoyenneté européenne et les conséquences dun éventuel Brexit
Échanges avec la salle
Intervenant
Les Britanniques résidant en France perdront le droit de vote. Est-ce que linverse est vrai ? Est-ce que les Français résidant actuellement en Angleterre perdront aussi leurs droits après le Brexit ?
Danièle Lochak
Je ne pense pas. En Grande-Bretagne, il y a plein de gens qui ont obtenu le droit de vote. Ça dépendra de la Grande-Bretagne, de ce quelle veut faire, elle, elle est libre de faire ce quelle veut. Si, on pourrait imaginer un traité de réciprocité. Mais à ma connaissance, contrairement à dautres pays, qui ont dabord choisi la voix de la convention de réciprocité, sauf erreur de ma part, la France ne sest jamais lancée là-dedans. On a plein daccords de réciprocité, mais cest plutôt pour laccès à des professions, ce nest pas pour le droit de vote.
Colin Falconer
Jhabite en France depuis longtemps, assez longtemps pour avoir perdu mes droits civiques en Angleterre, parce quau bout de 15 ans vous perdez le droit de vote dans votre pays dorigine, dans le cas des Britanniques. Ce que je voulais dire, cest que cest dabord et essentiellement un problème politique. Pour moi, il ne doit y avoir ni préférence nationale, ni préférence européenne, mais tout simplement une préférence humaine. Donc, je suis pour le droit de vote de tous les résidents, donc pour une citoyenneté de résidence. Du coup, le problème très particulier créé par le Brexit est résolu dun seul coup. On accorde le droit de vote à tous les étrangers. Cest mon point de vue. A mon avis le problème est essentiellement politique, cest un problème de convaincre nos concitoyens et de créer un rapport de forces. Dans ces moments-là, on trouve toujours la solution constitutionnelle il me semble.
Alain Esmery
Danièle avait déjà apporté une réponse, dans la lecture de larticle 88.3. Cest dans le cadre du traité de Maastricht. Laccord de réciprocité ne sappliquerait pas, quand bien même les Britanniques décideraient de laisser le droit de vote à tous les Européens. Le texte est extrêmement restrictif pour les raisons que Danièle a expliquées. Cest vraiment une volonté de border, de cadrer cet élargissement du droit de vote au strict cadre du traité de Maastricht. Quand bien même la Grande-Bretagne souhaiterait maintenir limplication des citoyens extra-britanniques dans la gestion de son pays, ça ne sappliquera pas chez nous. En France cest une révolution copernicienne qui est à opérer auprès des élus.
Mohamed Ben Saïd
Dans le courrier qua envoyé la Commission européenne au collectif « Jy suis, jy vote », elle se réjouit que les citoyens britanniques sintéressent à la politique en France, et quils puissent y participer. De la même manière que les citoyens français et européens participent à la vie au Royaume-Uni. Mais à partir du Brexit, ils nauront plus le droit de participer aux élections européennes, et pour le reste il revient à chacun des pays, qui en a lautorité et le pouvoir, daccorder ou pas le droit de vote. Au collectif « Jy suis, jy vote », nous pensons que cest un recul de la démocratie si on enlève le droit de vote et déligibilité des Britanniques ici en France. Au Royaume-Uni a priori le droit de vote de tous les étrangers sera maintenu sur la base du principe de démocratie, on ne revient pas en arrière dans la démocratie, on avance dans la démocratie. Pourquoi on parle de cela, et pourquoi depuis une année on sagite sur cette question des Britanniques ? Parce que cest un déni de démocratie lexclusion des étrangers du droit de vote. Ce nest pas la nationalité qui est importante, cest la vie dans la proximité, la vie dans la cité qui est importante. Et cest la meilleure réponse que lon peut apporter au populisme. La question de la réforme constitutionnelle est importante, aujourdhui on en parle et celui qui a proposé le projet de réforme a omis dy mettre le droit de vote. Quand des personnes sont allées linterroger, il a dit que lui, personnellement, « il y croyait », mais quil navait pas osé le mettre. Mais à nous dactiver, il y a une opportunité, il y a une réforme constitutionnelle, des élections européennes, à nous de ramener cette question, cest une question de démocratie, une question de citoyenneté de résidence, il faudrait que la France soit à la page du XXIe siècle, quelle change sa Constitution, cest un combat à mener, politique, associatif et autres. Ça nous importe, les élus sont ouverts, il y a 60 % des proches de LREM pour, il faut travailler ça, avec les réseaux associatifs.
Pierre Cours-Salies
Quand on parle des droits politiques et civiques pour une partie de la population, on est sur des sujets de principe. Et si on ne prend pas la question de principe, on ne peut pas comprendre la question. Sinon, ça devient une discussion de spécialistes. Un exemple, tout le monde nous dit que les femmes nont pas pu avoir le droit de vote avant 1946 en France alors que ça avait été voté à lAssemblée nationale. Les socialistes navaient pas voulu se battre parce quau Sénat les radicaux étaient contre, et lensemble des francs-maçons qui se prétendaient de gauche étaient contre parce que les femmes allaient voter comme les curés et leurs maris. Il a fallu un certain nombre dannées, mais à partir de 1975 elles votaient plus à gauche que les hommes. Il a fallu un temps dadaptation. Si je prends la question des immigrés, soyons clair, le vrai problème qui travaille ce pays est de lire la page de la colonisation, lire quon a fait des guerres coloniales provoquées par le gouvernement français pendant un certain nombre dannées et quon ne sen remet pas, et quon ne veut pas dire quon a eu tort. Donner le droit de vote ça relève dune responsabilité politique. Donc quand il y a une majorité de gauche dans ce pays et si ça ne se fait pas... Danièle Lochak la bien résumé, toutes ces complications viennent de labsence de volonté détablir que les résidents ont le droit de vote au bout de trois ans de présence par exemple. On le refuse à un certain nombre de résidents, parce que les résidents dAfrique du Nord, notamment ceux dAlgérie, nous ont donné une bonne leçon, ils nous ont chassés. Ça, cest un passé colonial qui pèse. Et je terminerai là-dessus, à propos dun certain nombre dAlgériens qui ne voulaient pas réclamer la nationalité française avec la naturalisation. Les plus politisés, qui ont une activité politique ou syndicale en France, disent quelque chose de parfaitement juste. Pourquoi on va faire un dossier dans le fait quon nous reconnaisse une qualité ? On y a droit ou pas. On y a droit parce quon habite et vit là. Quest-ce quon peut répondre à ça ? Je pense que cest à ça quil faut répondre. Si on regarde lévolution de lantiracisme, le socle de lantiracisme en France, depuis plusieurs générations, les jeunes font des études ensemble, et cest leurs copains, quils soient bronzés ou pas ! 70 % disent quil faut reconnaître le droit de vote aux étrangers. Si on ne sappuie pas là-dessus, on sappuiera sur quoi ? Et relançons le débat, tous ceux qui résident doivent avoir les mêmes droits politiques et civiques. Sinon, vous allez répondre quoi au Front national ? Ils nont pas les mêmes droits parce quils ne sont pas tout à fait comme nous ? Si on ne répond pas fermement on ne répond à rien.
Danièle Lochak
Je suis daccord avec vous sauf ce nest pas uniquement le fait colonial, cest plus fort que ça, même au niveau du vote des Européens, on a freiné des quatre fers, il y a peut-être cet élément en plus, mais je ne pense même pas que ce soit notre passé colonial.
Alima Boumédiène
Je veux intervenir sur trois points. Le premier point concerne les accords de réciprocité, malheureusement ça naurait aucun effet car on aurait également besoin de modifier la Constitution, car la Constitution est claire sur la question de la souveraineté. Les accords de réciprocité nauraient pas deffet dans ce domaine. La modification de la Constitution serait quand même nécessaire. Le deuxième point. On devrait prendre le problème à lenvers. Tout à lheure on nous a dit : « les dotations sont données en fonctions des habitants » et cest une réalité. Les nombres délus sont calculés en fonction des nombres dhabitants. Moi je prends toujours la ville que je connais le mieux, qui est ma ville, Argenteuil, où il y a 65 élus, mais où il y a un nombre important détrangers : il ny aurait plus 65 élus, il ny aurait plus que peut-être 50 élus... Alors si on dit aux élus que 15 dentre eux vont perdre leur droit dêtre élu, parce que le nombre dhabitants ne peut plus être une base de calcul, je crois que là, on pourrait toucher davantage, et peut-être même, pourquoi pas, saisir les hautes instances comme le Conseil dEtat sur ces questions. Parce que le nombre délus et les dotations sont quand même basés sur le nombre dhabitants. Je crois que là, il y a aussi un hiatus quil faudrait creuser... Le troisième point : il y a aujourdhui ou demain une campagne qui va se faire pour les élections européennes. Il faut saisir cette opportunité et dire : étranger européen ou étranger non européen, on est étranger. Donc là, il y a une campagne à monter là-dessus, en parlant de cette égalité des droits entre étrangers européens et étrangers non européens. Et pourquoi pas, peut-être, même faire une liste des candidatures, etc. Saisir lopportunité pour faire une campagne sur cette rupture dégalité entre étrangers.
Pierre Gineste
Comme a dit le camarade Arce, pour son pays, mais pour nous cest exactement pareil : cest-à-dire que les Français comme les Espagnols ont le droit de vote dans plus de vingt pays non européens, mais que les ressortissants de ces pays-là nont pas le droit de vote. Alors, la difficulté quon a, dans notre système politique, dimaginer quon pourrait étudier des accords de réciprocité, cest peut-être une chose, peut-être une bataille politique. Mais le fait que des Français ont le droit de vote dans certains pays et que les ressortissants de ces pays naient pas le droit de vote en France, cest un pur scandale. Les vingt pays : Islande, Norvège, Suisse certains cantons , République Dominicaine, Etats-Unis quelques communes , Argentine quelques provinces, Bolivie, Chili, Colombie, Paraguay, Pérou, Uruguay, Botswana, Burkina Faso, Cap-Vert, Guinée, Ouganda, Rwanda, Zambie, Zimbabwé, Israël Jérusalem Est , Corée du Sud, Hong Kong, Australie 3 Etats sur 8 , NouvelleZélande.
Michel Butez
Il y a quand même une question quil va falloir résoudre assez rapidement quand même, si en Angleterre, au Royaume-Uni, ils vont au bout du processus, que deviennent les élus dans les communes françaises ? Pour les communes qui ont des élus britanniques ?
Alain Esmery
Cet atelier se pose la question des Britanniques et de la campagne quon souhaite mener, à loccasion des européennes. Est-ce quon a les moyens de perdre 409 élus, qui se sont présentés, élus au nom de leur activité, de leur présence, de leur « importance » sur les territoires ? Quand on sait quil est de plus en plus difficile de constituer des listes ! Effectivement, pourquoi se priver de talents, se priver de qualité, pourquoi se priver de lengagement de 409 britanniques ? On doit aussi pouvoir sappuyer sur la spécificité de la situation, bien évidemment la réciprocité ne peut pas être une solution, puisque le droit nest pas acquis de plain-pied par les citoyens, les citoyennes, mais quil peut être remis en question par un changement politique comme ça sest passé là, avec le Royaume-Uni. On voit bien que ça nous donne deux leçons : lobjectif doit être de demander un droit qui est attaché aux personnes, aux résidents, donc cette citoyenneté de résidence pour laquelle on se bat ; et ce serait un acquis, puisque, a priori, on viendrait renouveler le vivier des personnes qui pourraient sengager dans la gestion municipale en pouvant être élues. Voilà, les petites leçons de pédagogie que lon pourrait avoir pour celles et ceux qui ne sont pas totalement réfractaires à lidée délargir le droit de vote. Et puis sappuyer sur ce que nous avait suggéré Jean-Daniel Lévy, que parmi les formations politiques, il y a cette relative nouveauté que les sympathisants LREM sont favorables à 65 %, donc une possibilité dinterpeller les élus de ce camp-là