LA LETTRE DE LA CITOYENNETE

NATIONALITE, DROIT DE VOTE DES RESIDENTS ETRANGERS


20F 7° année -N°37 - JANVIER - FEVRIER 1999

LA PARTICIPATION POLITIQUE DES ETRANGERS EN BELGIQUE

A partir de 1968, plusieurs communes mirent sur pied des "conseils consultatifs communaux des immigrés" (CCCI), à l'initiative du Parti socialiste (bi-communautaire à l'époque), du Parti communiste et du front Démocratique des Francophones. Si certains de ces conseils étaient élus, d'autres ne comptaient que des membres choisis par les autorités communales au sein du milieu associatif local. La représentativité des CCCI a souvent été mise en doute en raison du peu d'intérêt manifesté par les populations concernées, notamment lors des scrutins électoraux. Par ailleurs, de l'avis même d'anciens "conseillers consultatifs" ou d'autres acteurs sociaux de l'époque, ces conseils ont eu une influence quasi nulle sur les décisions des autorités communales dans les matières intéressant les personnes d'origine étrangère.

Il faut rappeler ici que ces conseils consultatifs étaient considérés à l'époque comme une étape transitoire vers l'élargissement du droit de vote et d'éligibilité sur le plan local aux non Belges, soutenue jusqu'en 1979 (déclaration gouvernementale, coalition CVP-PSC-PS-SP-FDF) par plusieurs partis traditionnels représentés au Parlement, avant d'être "mise au frigo" au début des années quatre-vingts. Ce n'est qu'en mars 1997 que les droits politiques des étrangers sont revenus dans l'actualités médiatico-politique, à la faveur de l'émotion suscitée par la cérémonie d'adieu à Loubna BEN AISSA.

Les deux partis écologistes, Ecolo et Agalev, ont été les seuls à défendre les droits politiques locaux de tous les non Belges, "Européens" ou non, depuis leur fondation vers 1980 (avec le Parti communiste, qui a disparu du Parlement en 1985). Ils ont été rejoints à la mi-97 par le PS, puis par le PSC. Le SP (socialistes flamands) a défendu cette position jusqu'à la fin des années quatre-vingts, et semble avoir renoué avec elle récemment, mais avec une certaine prudence.

Le CVP (sociaux-chrétiens flamands) souhaitait clairement limiter cette extension aux seuls Européens pour les élections de l'an 2 000. Le PRL-FDF (libéraux francophones et alliés) a adopté une attitude ambigu' pur des raisons électorales (il espère conquérir des votes maghrébins en région bruxelloise grâce à Mostafa Ouezekhti, un député régional transfuge d'Ecolo), mais il a soutenu la révision de la Constitution qui rend théoriquement possible l'adoption d'une loi étendant le droit de vote municipal aux non Européens pour les élections de 2 006. Ce parti a néanmoins clairement affirmé, à plusieurs occasions, sa préférence pour un assouplissement des règles en matière de naturalisation.

La Volksunie (national-démocrates flamands) et le VLD (libéraux flamands) se sont virilement opposés à cette modification de la Constitution sans garanties de représentation minimale pour la minorité flamande de Bruxelles, qui "pèse" actuellement environ 15 % de l'électorat au niveau régional, mais qui serait quasiment éliminée du jeu politique communal en cas d'extension du droit de vote aux non Belges. Le Vlaams Blok, parti d'extrême droite flamand, mais qui courtise allègrement les électeurs racistes francophones à Bruxelles pour s'assurer la prééminence parmi les élus flamands, a fait de la lutte contre le droite de vote des étrangers sont cheval de bataille.

En 2 000, les ressortissants de l'Union européenne seront les seuls non Belges à pouvoir participer aux élections communales, dont seront par conséquent exclus les Marocains et les Turcs, principales communautés "non européennes". L'article 8 de la Constitution, qui réservait le droit de vote et d'éligibilité aux seuls Belges, a été modifié*, mais la loi électorale n'a pas encore été adoptée pour les prochaines élections de novembre 2000. Il est fort probable que les opposants flamands à cette extension des droits politiques des étrangers sans garantie pour la minorité flamande en région bruxelloise et dans les communes de la périphérie bruxelloise feront usage de la "sonnette d'alarme", une mesure prévue par la Constitution quand une des communautés linguistiques estime être lésée par l'éventuelle adoption d'une loi. La conséquence en serait l'obligation de procéder à un vote doublement majoritaire (chez les francophones et les Flamands), avec une majorité qualifiée dans chaque communauté. En bref, cela bloquerait tout le processus.

Rappelons enfin qu'en juin 1999 auront lieu des élections régionales, fédérales et européennes, ce que les journalistes appellent "la mère de toutes les élections". La nature des coalitions au niveau fédéral (ex "national") et dans les gouvernements régionaux ne sera peut-être pas sans influence sur la mise en œuvre de la loi électorale communale. En gros, il y a deux possibilités au niveau fédéral : une coalition "mauve" (le bleu des libéraux et le rouge des socialistes"), comme aux Pays-Bas, ou "rouge-romaine-verte" ("romaines" à cause des sociaux-chrétiens !), comme en Italie. Les nouveaux partis (PNPb et Vivant) et mouvements (ID21 associé à la Volksunie, MCC au PRL-FDF) ne semblent pas devoir bouleverser l'échiquier politique fédéral, avec des scores avoisinant au maximum 1 % des voix chacun.

Pierre-Yves LAMBERT

* Le nouvel article 8 de la Constitution, paru au Moniteur belge le 15.12.98 est ainsi rédigé :

La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile.

La Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques, déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits.

Par dérogation à l'alinéa 2, la loi peut organiser le droit de vote des citoyens de l'Union européenne n'ayant pas la nationalité belge, conformément aux obligations internationales et supranationales de la Belgique.?

Le droit de vote visé à l'alinéa précédent peut être étendu par la loi aux résidents en Belgique qui ne sont pas des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, dans les conditions et selon les modalités déterminées par ladite loi.

Voir aussi : BELGIQUE n°36

Lettre de la Citoyenneté n°37 : SOMMAIRE

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