4 euros 20e année N°121 JANVIER FEVRIER 2013
Belgique : les élections municipales du 14 octobre 2012
Les immigrés, naturalisés belges ou non, ont joué un rôle non négligeable
dans les récentes élections municipales. Les taux dinscriptions
des étrangers européens, 18 % pour leur troisième participation,
et non européens, 14 % pour leur seconde participation, ont été
relativement faibles (voir La Lettre n° 119). Les Européens ont le droit
de vote et déligibilité, les non-Européens le droit de vote après cinq
ans de résidence mais ne sont pas éligibles. Au total, les étrangers
non européens qui ont effectué la démarche de sinscrire ne représentaient
par exemple que 5,5 % de lélectorat en région bruxelloise.
Par contre, le poids électoral des « nouveaux Belges », 837 000 recensés
le 1er janvier 2010 sur moins de 10 millions de nationaux et
près de 11 millions dhabitants, sest fortement accru depuis la réforme
en 2000 de laccès à la nationalité. En 1990, moins de 25 %
des résidents nés à létranger avaient acquis la nationalité belge, ils
étaient 45 % en 2010.
Campagne communautariste et vote ethnique
Il a été reproché à certains partis et candidats davoir mené des campagnes
communautaristes. Sfia Bouarfa, députée régionale socialiste,
qui ne se représentait pas dans sa commune de Schaerbeek a parlé
dans La Libre Belgique de « gestion mercantile des candidats ». Aucun
élément objectif ne permet cependant daffirmer que les électeurs
aient voté « en bloc » et en nombre significatif pour des candidats de
même origine sur une même liste ; la possibilité dun vote préférentiel1
amène chaque candidat à mener généralement campagne « seul
contre tous », parfois avant tout contre tous les autres de la même
liste. Une chercheuse de luniversité libre de Belgique, Corinne
Torrekens, estime pour sa part que le premier vote communautaire
en Belgique était le fait de lAlliance néoflamande (N-VA), parti séparatiste
dont la victoire à Anvers a été lévénement de ces élections. Des
listes « islamiques » se sont présentées en 2012 comme en 2006,
elles ont fait des scores de 3 % au maximum et obtenu deux élus à
Anderlecht et Molenbeek.
Beaucoup délus non européens dans la région bruxelloise
Il y a eu, en 2012 comme en 2006, de nombreux candidats et élus
immigrés, 353 candidats et 39 élus étrangers européens en Wallonie
par exemple. Cest surtout dans la région bruxelloise, où plus du quart
de la population est étrangère ou naturalisée, que ces derniers ont
trouvé leur place dans les institutions municipales. En cinq élections
municipales, le pourcentage des conseillers communaux dorigine non
européenne dans lensemble des 19 communes bruxelloises est passé
de 0 % en 1988 à 2,6 % en 1994, 13,8 % en 2000, 22 % en 2006 et
24 % en 2012. Dans la commune de Saint-Josse, où la population
immigrée est majoritaire, les élus dorigine non européennes sont également
majoritaires depuis trois scrutins : 66 % en 2012. Quatre-vingtdix-
neuf élus de la région bruxelloise sont dorigine marocaine, 19 dorigine
turque, 11 dorigine congolaise... Pour lensemble de la Belgique, il
y a près de 130 élus dorigine marocaine, près dune centaine dorigine
turque... Une dizaine sont des Français naturalisés ou non.
De nombreux échevins et quelques bourgmestres
Au niveau des exécutifs, de nombreux échevins dorigine étrangère
non européenne ont été élus ou réélus. Vingt-cinq sont recensés dans
la seule région bruxelloise, ils étaient 27 lors du mandat précédent et
14 de 2000 à 2006. La nouveauté est la nomination de plusieurs
bourgmestres dorigine étrangère. Le plus médiatique dentre eux, Emir
Kir est le deuxième maire turco-belge après celui de Saint-Nicolas
(voir La Lettre n° 112) et le premier dorigine non européenne dans la
région de Bruxelles. En désaccord avec le maire sortant de Saint-Josse,
du Parti socialiste comme lui, il a obtenu plus de voix de préférence
que son partenaire, ce qui a suscité des critiques et le départ de lexbourgmestre.
Qualifié dObama bruxellois, il affirme être « un Belge
comme un autre » et vouloir « donner les mêmes droits aux gens qui
nont pas lhabitude délever la voix ». Dans le Brabant flamand, à
Londerzeel, commune de 18 000 habitants, une députée fédérale
dorigine marocaine, Nadia Sminate, deviendra bourgmestre à mi-mandat
dans le cadre dun accord passé entre son parti, la N-VA,
et les démocrates chrétiens du CDV. Le dirigeant du parti nationaliste
flamand, Bart de Wever, sest dit « fier que [son] parti soit
le premier à livrer un bourgmestre qui soit dorigine marocaine
tout en se sentant parfaitement flamande ». Une autre députée NVA,
Zuhal Demir, va également devenir la première bourgmestre dorigine
étrangère dun district anversois. À Molenbeek, le premier échevin,
Ahmed El Khannouss, remplace début 2013 la bourgmestre, actuellement
en congé, au poste de premier magistrat intérimaire de la
commune.
Le site suffrage-universel.be donne de nombreux détails sur les élections
du 14 octobre.
Bernard Delemotte
1. Le vote de préférence, particularité électorale belge, permet à lélecteur
de modifier lordre de présentation des candidats de la liste pour laquelle il
vote. Les élus le seront en fonction du pourcentage réalisé par leur liste et de
leur place sur cette liste, compte tenu des voix de préférence.
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