LA LETTRE DE LA CITOYENNETE

NATIONALITE, DROIT DE VOTE DES RESIDENTS ETRANGERS


3€ 10° année - n°58 - JUILLET-AOUT 2002

 
 

Droit de vote et éligibilité aux élections municipales des citoyens européens non-nationaux

La directive européenne 94/80/CE en 1994 définissait les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, instauré par le traité de Maastricht en 1992. Elle prévoyait également que la Commission des communautés européennes ferait rapport au Parlement européen et au Conseil sur son application dans le délai d'un an après que tous les États membres aient organisé des élections sur la base de ces dispositions. La France a été en mars 2001 le dernier État à appliquer la directive et un an après, le 30 mai 2002, la Commission a rendu public son rapport réalisé à partir d'un questionnaire envoyé à tous les États membres au printemps 2001. Seuls le Danemark et la France (voir Carton rouge page 2) n'ont envoyé aucune information.

Les caractéristiques de la directive

Le rapport rappelle d'abord les principales caractéristiques de la directive de 1994 : pas d'harmonisation des lois électorales des États membres mais suppression de la condition de nationalité ; les citoyens de l'Union sont libres de participer ou non aux élections municipales dans leur État de résidence et, de ce fait, leur inscription automatique sur les listes électorales n'est possible que dans les États où le vote n'est pas obligatoire (en pratique, quatre pays ont réalisé cette inscription automatique de tous les résidents européens concernés) ; l'égalité d'accès aux droits électoraux rend a contrario le vote obligatoire pour les ressortissants étrangers inscrits sur les listes dans les États où cette obligation existe pour les nationaux ; de même, une fois réalisée, l'inscription est définitive, sauf demande de radiation ; la participation totale à la vie politique de l'État de résidence doit être possible, y compris la fondation d'un nouveau parti ; la directive oblige à une information des citoyens non nationaux "en temps utile et dans les formes appropriées" ; quant aux dispositions dérogatoires, elles peuvent être justifiées par une situation spécifique, plus de 20 % de résidents communautaires non-nationaux.

La mise en œuvre

L'article 14 de la directive demandait aux États membres d'adopter les mesures nationales de transposition avant le 1er janvier 1996. Seuls quatre États en intégralité, le Danemark, l'Irlande, le Luxembourg et le Royaume-Uni et trois partiellement, l'Allemagne, la Finlande et l'Autriche ont respecté le délai imparti. Les autres États ont mis en œuvre la directive entre 1996 et 1999, ce qui a permis de mettre fin aux procédures d'infraction engagées par la Commission. Le dernier Etat à transposer, la Belgique, a été condamné par la Cour de justice des Communautés européennes le 9 juillet 1998.

La Commission a relevé quelques problèmes de non-conformité avec la directive : la Grèce, qui exigeait la connaissance de la langue grecque et au moins deux ans de résidence pour disposer du droit de vote, a dû modifier sa législation ; une procédure d'infraction a également concerné cet État qui demandait abusivement que l'électeur non-grec produise une déclaration écrite attestant n'avoir pas été déchu de son droit de vote dans son État membre d'origine. Ont également été jugées abusives les demandes des Länder de Saxe et de Bavière qui exigeaient d'une part, une déclaration supplémentaire sous serment attestant la résidence depuis au moins trois mois, sans interruption, dans la municipalité où le résident souhaitait voter, et d'autre part une inscription renouvelée avant chaque élection municipale. Pour régler ce dernier point, la législation allemande a été modifiée de telle sorte que l'inscription des citoyens non-nationaux est désormais automatique.

La seule dérogation à la directive est celle obtenue par le Luxembourg qui, à la date de la transposition, 1995, avait une population de 28,7 % de citoyens de l'Union non-luxembourgeois en âge de voter ; ces derniers représentent actuellement entre 32 à 34 % des électeurs. En pratique, le Luxembourg n'octroie le droit de vote à ces citoyens que s'ils ont résidé sur son territoire au moins six ans au cours des sept années précédant l'inscription ; pour l'éligibilité, douze ans de résidence au cours des quinze années précédant la demande, sont exigés.

Les élections municipales de 1996 à 2001

Entre 1996 et 2001, les quinze États ont organisé, à une ou plusieurs reprises, des élections municipales. 

4,7 millions de personnes étaient théoriquement visées par la directive mais dans

plusieurs Etats, les résidents étrangers avaient déjà le droit de vote aux élections municipales et la Commission estime que le nombre de personnes ayant obtenu, après le traité de Maastricht, le droit de vote et d'éligibilité est d'environ 4 millions.

Les données sur l'inscription et surtout la participation des résidents communautaires sont incomplètes (Voir tableau

page 2). En ce qui concerne l'inscription, la Grèce et le Portugal enregistrent les taux les plus faibles.

Pour la participation effective au vote, seule la Finlande a indiqué le taux, 30,2 %, au niveau national. En Allemagne, la participation a été de 21,5 % à Stuttgart, 23 % à Hambourg, 17,5 % à Berlin... Sur la base de sondages électoraux, la Suède donne des taux de 35 % pour les citoyens britanniques à 49 % pour les citoyens allemands.

Les bons résultats observés en Irlande sont attribués au fait que, dans cet État, les non-nationaux ont pu voter à toutes les élections depuis 1963.

Pour la Commission, le manque d'informations spécifiques en direction des résidents communautaires explique en grande partie la faible mobilisation pour ce nouveau droit. La Commission recommande l'envoi personnalisé d'informations par la poste et certaines autorités locales ont pris des initiatives en ce sens. Mais en réponse à la question posée dans le questionnaire, tous les États membres ont indiqué que, selon eux, la campagne d'information menée avait été suffisante et adéquate !

La nouvelle réglementation européenne a eu peu d'incidence sur le nombre d'électeurs dans chaque pays ; la hausse la plus importante est évaluée à 6 % en Espagne où elle n'a posé aucun problème spécifique. La Commission conclut son rapport en estimant que "dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de proposer des adaptations du code réglementaire".

Droit de vote et éligibilité aux élections municipales des citoyens européens non-nationaux 


 
État membre
Pop totale de plus de 18 ans*
Citoyens de l’Union non-nationaux
Nombre de + de 18 ans
Pourcentage de la population totale
Pourcentage d'inscrits sur les listes électorales
Candidats aux élections municipales
Élus municipaux

Allemagne
65 918 000
1 521 000
2,5
tous (1)
319 (2)
Autriche
6 303 000
95 000
1,6
54,2
20 (3)
Belgique
8 070 000
456 000
5,8
17,8
Danemark
4 189 000
32 000
0,8
Espagne
31 715 000
133 000
0,4
24,4
30
Finlande
4 007 000
9 000
0,2
tous (1)
65
5
France
44 526 000
1 004 000
2,4
16,5(4)
991 (5)
204 (5)
Grèce
8 464 000
16 000
0,2
9,5
Irlande
2 763 000
76 000
2,8
52,3
Italie
46 921 000
56 000
0,1
19,2
Luxembourg
333 000
108 000
34,0
12,4
138
Pays-Bas
12 177 000
194 000
1,6
tous (1)
2
Portugal
7 888 000
26 000
0,3
9,8
3
Royaume-Uni
44 914 000
790 000
1,8
41,1
Suède
6 913 000
143 000
2,2
tous (1)
1 829
408
Total
295 101 000
4 658 000
1,6

* Eurostat, enquête communautaire sur les forces de travail 2000. La population totale comprend 8 994 000 ressortissants des pays tiers n'ayant pas le droit de vote dans la majorité des pays de l'U.E.

1) Inscription automatique

2) Résultats de 9 Länder sur 16

3) Résultats de 7 Länder sur 9

4 et 5) Données du ministère de l’Intérieur français

5) Nombre correspondant uniquement aux communes de plus

de 3 500 habitants.


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