24e année  N°147 MAI- JUIN 2017


Le CICA, vieux de 35 ans, cet outil unique de démocratie ascendante qui reste mal compris

 

Il est très à la mode aujourd’hui de souhaiter développer la démocratie par l’implication des citoyens dans le fonctionnement des outils qui permettent à celle-ci de vivre et de progresser. C’est en effet une démarche nouvelle dès lors que le fonctionnement de notre démocratie est depuis des lustres fondé sur l’élection de personnes qui sont chargées de représenter ces citoyens et de mettre en

oeuvre, au travers d’outils comme des assemblées et des gouvernements, le résultat de leurs échanges avec eux et de leurs propres réflexions.

Et pourtant le premier gouvernement socialiste de la Cinquième République, présidé par Pierre Mauroy et constitué en 1981, a imaginé dès 1982 un dispositif inédit qui permet à un citoyen membre d’une association de venir présenter à l’assemblée politique de son territoire un projet, une demande ou une critique, bref ce qu’il veut, d’en débattre avec elle et éventuellement de lui demander de se

prononcer par un vote sur le voeu qu’il présente en conclusion de ce débat.

 

A Paris, Lyon et Marseille

Ce dispositif est écrit dans l’article 16 de la loi dite PLM du 31 décembre 1982 et ne concerne donc que les trois villes de Paris, Lyon et Marseille.

Il faisait suite à un dispositif créé en 1975 appelé « commission d’arrondissement » qui, constitué à parts égales d’élus, de représentants d’associations nommés par les élus et de citoyens tirés au sort, pouvait être consulté par le maire d’arrondissement sur les décisions à prendre par le conseil d’arrondissement.

Ce nouvel outil est plus original. Toute association d’un arrondissement, y compris une association d’étrangers, peut demander au maire de l’arrondissement de l’inscrire au comité d’initiative et de consultation de son arrondissement (CICA). Dès lors que le maire a vérifié que l’association demanderesse a bien une activité dans l’arrondissement il doit l’y inscrire. Il doit mettre à la disposition du public la liste des associations qui ont demandé leur inscription.

C’est alors à l’un des membres de l’une de ces associations de demander au maire de l’accueillir à une prochaine réunion de son conseil d’arrondissement sur le sujet qu’il souhaite. Le maire lui indique la date de cette réunion, doit inscrire à l’ordre du jour de son conseil d’arrondissement le sujet choisi et doit transmettre au demandeur toutes les informations dont il dispose sur le sujet. Ensuite ce sujet est traité, lors de cette séance du conseil, comme tout autre sujet. Et la personne accueillie peut demander au maire de proposer au vote du conseil le voeu qui peut conclure la présentation.

Et le maire met ce voeu au vote du conseil d’arrondissement.

Donc en résumé toute personne membre d’une association qui a fait la démarche nécessaire de s’inscrire au comité d’initiative et de consultation de son arrondissement peut demander, et obtenir automatiquement, de venir parler à son conseil d’arrondissement de tout sujet de sa compétence et concernant l’arrondissement, en discuter et solliciter éventuellement le vote d’un voeu déposé à ce sujet.

 

Un dispositif mal connu et peu utilisé

Il faut hélas remarquer qu’après trente-cinq ans ce dispositif reste mal connu de ses bénéficiaires parisiens, qui ne l’utilisent pas.

Parfois les associations d’un arrondissement se sont réunies en un collectif pour discuter des questions à poser et ensuite les posent. C’est certes déjà beaucoup mieux mais avec la réserve que ce travail conduit à poser des questions d’un intérêt général associatif sur le territoire et non, aussi, des questions propres à l’objectif, le fonctionnement, les relations particulières de telle ou telle association avec son maire ou son conseil d’arrondissement, y compris celles liées aux aides fournies par la mairie d’arrondissement, celles qui peuvent fâcher...

Et donc les maires d’arrondissement soucieux de voir ce dispositif prendre une place convenable pour eux décident eux-mêmes de convoquer à un conseil d’arrondissement toutes les associations inscrites au CICA sur un sujet qu’ils choisissent. C’est donc le monde à l’envers ! Mais un monde mieux contrôlé par ceux qui estiment être chargés d’en gérer l’ordre politique... Et la maire de Paris, alertée ces dernières années à plusieurs reprises sur le sujet, n’a finalement rien donné comme nouvelle instruction à ses services !

Il reste donc encore aujourd’hui aux associations parisiennes, mais c’est le rôle que la loi leur a offert, de prendre en main cette possibilité de dialoguer avec les élus de leur territoire et de leur proposer tout ce qu’elles souhaitent !

Cela sera-t-il mieux gagné avec l’aide des nouveaux moyens de communication issus du numérique ? Rendez-vous dans cinq ans pour l’anniversaire des quarante ans du CICA !

 

Jacques Rémond, ancien président

du Carrefour national des associations d’habitants

 et des comités de quartiers (CARNACQ)


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