
4 euros 21e année N°124 JUILLET AOUT 2013
DROIT DE VOTE DES ETRANGERS*
Donc, les consultations engagées par le gouvernement aux fins de réunir une majorité favorable au droit de vote à accorder aux étrangers pour les élections locales nont pu aboutir. La vie politique en France est ainsi faite. Les propositions de la majorité sont rejetées même si elles sinscrivent dans une démarche de progrès ou de modernisation de la vie politique. Pas de démocratie apaisée en France, même en temps de crise. Alors quil importe de rassembler, de mobiliser toutes les forces vives.
Faut-il pour autant renoncer ? Je ne crois pas, convaincu que je suis de la nécessité de placer chaque parlementaire, chaque parti en face de ses responsabilités.
Ancien élu local, je souhaiterais apporter, en toute modestie, quelques arguments en faveur de la reconnaissance de ce droit nouveau.
Seule compte la volonté
Depuis plus de trente ans, le droit de vote des étrangers non communautaires divise la classe politique française.
Mais, ce nest jamais le bon moment. Toujours une bonne raison pour y renoncer. Pourtant, il ny a pas de bons ou de mauvais moments pour faire progresser la démocratie ou moderniser la vie politique. Les principaux arguments opposés par les adversaires de ce nouveau droit relèvent de létat de lopinion, de la citoyenneté et de la réciprocité.
En 1981, lopinion publique nétait pas favorable à labolition de la peine de mort. Pourtant, la gauche la fait. Cétait une promesse, donc un devoir et son honneur.
Certes, dans une démocratie, létat de lopinion ne peut être ignoré. Il convient découter, et dans la mesure du possible dentendre. Mais prenons garde à ne pas glisser dune démocratie représentative à une démocratie dopinion fondée sur les sondages. Et puis, le rôle des politiques nest-il pas de convaincre lopinion du bien-fondé de leurs convictions ?
La politique dune commune
Sagissant de la citoyenneté, jobserve que les ressortissants de lUnion européenne peuvent voter aux élections municipales et européennes, par ailleurs plusieurs pays ont déjà ouvert ce droit aux étrangers non européens. A-t-on assisté dans ces pays à des dérives, à des votes communautaires ?
Pas du tout. Alors !!
Prenons lexemple dun cas concret de la vie dune commune : les transports en commun.
Lusage des transports en commun, dun tramway, nest pas réservé aux seuls citoyens électeurs. Tous les habitants, électeurs ou non, peuvent lutiliser. Dès lors, comment pourrait-on exclure dun référendum sur les transports, sur un tramway ou plus généralement dun vote sur la politique des transports, une partie importante des usagers, qui par leurs impôts contribuent à sa réalisation et à son fonctionnement ? Cette remarque particulière vaut pour le vote sur la politique globale dune commune.
Jajoute que ces habitants non électeurs sinvestissent dans la vie de leur ville, de leur quartier en qualité de parents délèves, membres dassociations, etc.
La rigueur qui sannonce népargnera personne. Ses coups les plus rudes frapperont tous les habitants dune commune, citoyens ou non. Pourquoi donner la parole aux uns et la refuser aux autres ?
Mieux vivre tous ensemble
Et puis, souvenons-nous ! Du siècle dernier, ils sont venus par milliers dAfrique du Nord, dAfrique noire pour combattre et mourir dans nos tranchées, et plus tard pour délivrer
la France en 1944, dans les armées dune France qui retrouvait son honneur. Pas démotion dans lopinion, et personne na songé à vérifier leur citoyenneté. Pendant les trente glorieuses ils sont venus par milliers apporter leur travail à notre économie.
Ils étaient les bienvenus sur les champs de bataille, dans les usines, mais on leur ferme la porte des bureaux de vote. La France est bien peu reconnaissante.
Et puis argument suprême, la réciprocité. Pour moi cet argument nest pas recevable. Il fut une époque, pas si lointaine, où la France donnait lexemple, montrait la voie à suivre sur le chemin des droits de lhomme. Parler de réciprocité, cest accepter le retrait de la France, cest dire que la France nest plus devant, quelle ne montre plus la voie, mais quelle est derrière. Pas très glorieux ! Le combat pour mieux vivre tous ensemble vise la participation de tous à la construction dun destin commun dans un quartier, dans une ville.
Accorder le droit de vote aux étrangers non européens, cest leur permettre de participer à la construction dun destin commun dans leur ville.
Jacques Vuillemin
Ancien adjoint au maire de Besançon
* Ce texte nous a été adressé début avril, avant le dernier sondage de La Lettre de la citoyenneté et avant lannonce par François Hollande du report après les municipales de mars 2014 du débat au Parlement sur le
droit de vote des étrangers. Les
intertitres sont de la rédaction.
Retour au sommaire de la LETTRE n°124
Retour à la
présentation : LETTRE