LA LETTRE DE LA CITOYENNETE

NATIONALITE, DROIT DE VOTE DES RESIDENTS ETRANGERS


20F 6° année -N°35 - SEPTEMBRE - OCTOBRE 1998

MAUVAIS DEPART POUR LA CITOYENNETE EUROPEENNE ?

Les élections européenne auront lieu dans 9 mois. Suite au traité de Maastricht et, pour la deuxième fois, les ressortissant des pays de l'Union pourront être électeurs et candidats dans le pays de résidence. En 1994, cette élection n'a été qu'une péripétie de politique intérieure.

Un nouveau Parlement, de nouveaux électeurs.

Pourtant, de nouveaux électeurs élisaient un Parlement européen (PE) aux pouvoirs étendus avec un droit de veto sur la libre circulation des travailleurs, la liberté d'établissement... toutes choses qui intéressent les nouveau citoyens. Par le traité de Maastricht, les citoyens d'un Etat de l'Union, résidant dans un Etat dont ils n'ont pas la nationalité, peuvent voter et être élus, lors des élections européennes et municipales, dans l'Etat de résidence ou dans l'Etat d'origine. Le lien nationalité-citoyenneté n'est pas brisé par la citoyenneté européenne qui est rattachée à la nationalité d'un des Etats membres. Les nationaux des pays tiers en sont exclus. Ils ont le droit de présenter des pétitions au PE et de saisir le médiateur. Une occasion a été perdue de rattacher la citoyenneté à la personne, à la résidence.

Une application laborieuse.

Le Directive d'application du traité signé le 07/02/19923, est parue au J.O. le 30/12/1993. Cette lenteur a, officiellement, retardé son application. Malgré la résolution du PE (20/01/1994), aucune "campagne de sensibilisation et d'information sur les élections européennes et la participation des citoyens", n'a été menée par la Commission. Et les Etats n'ont pas pris "sans délai les dispositions nécessaires afin de transposer la directive européenne dans les législations nationales".
La loi de mise en conformité a été adoptée en France le 05/02/1994 et le décret d'application publié, le 12/03/1994. Les inscriptions sur les listes devaient se faire avant, le 12/04/1997 (en Allemagne, le 9 mai). Le ministre des Affaires européennes a fait une déclaration, 10 jours avant la fermeture des inscriptions pour souhaiter "plusieurs centaines de milliers" d'inscriptions tout en trouvant "très court, trop court" le délai mais la date limite d'inscription n'a pas été repoussée. Le Centre d'information civique n'a fait ni message télévisé, ni affichage. Finalement, 47 508 des 1 067 563 électeurs potentiels, soit 4,4 %, se sont inscrits (0,12 % de l'électorat).
La question de la Cimade paraît justifiée : le gouvernement peut-il estimer qu'il s'est acquitté "en temps utile et dans les formes appropriées" de la mission d'information à laquelle il s'était engagé ?

A Montauban, le maire a envoyé une lettre à tous les citoyens de l'Union (Libération 07/04/1994) d'où le taux record d'inscriptions de 21,87 (233 sur 1 065) parmi les villes de plus de 40 000 h.

Des Européens peu européens.

Jugeant la situation dans l'ensemble des Etats de l'Union, le PE a dénoncé "le grave manque d'information concernant le nouveau droit des ressortissants de l'UE de voter aux élections européennes" et demandé "de mettre fin à toute discrimination frappant les citoyens de l'Union qui entendent exercer leur droit de vote aux élections européennes dans leur pays de résidence... lever les barrières bureaucratiques, fournir une information adéquate aux ressortissants de l'Union par courrier individuel et par voie de presse - également radiophonique et télévisuelle - sur leur droit de participer aux élections européennes... prolonger le délai d'inscription, par exemple, jusqu'au 31 mai".

Inscriptions sur les listes électorales des résidents communautaires par pays*


 
Pays         Inscrits  Electeurs      % des         %de       
                       potentiels   électeurs   l'électorat   
                                   potentiels      total      
 
Allemagne       60 000   1 325 000     4,3          0,1       
 
Nelgique        23 721     551 500     4,3          0,3       
 
Danemark                    28 500    23,6          0,16      
 
Espagne         47 508     173 100    14,3          0,07      
 
France          47 508   1 067 563     4,4          0,12      
 
Grèce              550      58 400     0,9         0,005      
 
Irlande         22 435                              0,08      
 
Luxembourg       6 907                               10       
 
Pays-Bas       250 000                              2,1       
 
Portugal           700      25 000     2,8         0,008      
 
 

* manquent les informations sur le Royaume-Uni

Au total, 5 à 6 % des 4 millions de "citoyens communautaires" résidant dans un autre Etat se seraient inscrits pour les élections de 1994. Ce taux varie d'un pays à l'autre, de 0,9 en Grèce à 23,6 au Danemark, et à l'intérieur d'un pays d'une commune à l'autre. Les étrangers ont partout constitué une faible proportion du corps électoral (maximum 3 % au Luxembourg).

Inertie des organisations politiques

En France, sur les 16 professions de foi envoyées, par les partis, aucun ne parle de citoyenneté européenne. Sur 1 740 candidats, 5 sont européens, aucun sur une liste "importante". L'Union des écologistes pour l'Europe présentait un Néerlandais, en 36° position. Les autres étaient sur des listes marginales et leur nationalité n'était pas signalée (Lettre de la citoyenneté N° 10 juillet-août 1994). Cela se "comprend" car : "De toute façon, les Européens n'ont pas le droit d'être candidats" (Déclaration du PS à Libération 20/05/1994) ; "La mesure est encore trop récente pour avoir des effets" ; "La répartition des sièges devait tenir compte des formations politiques qui composent la Majorité ... il était difficile d'y ajouter des ressortissants d'autres pays de l'Union européenne" (Génération écologie et D. Baudis, réponses personnelles).

Les candidats étaient aussi rares dans les autres Etats sauf en Belgique (19) et au Luxembourg (10). Il y en avait 2 en Italie et au Royaume Uni (1 Française), 1 (Britannique) au Danemark, 1 (Italien) en Allemagne, jamais en position éligible, et aucun en Espagne, en Grèce, en Irlande, au Portugal. Ces "oublis" ne s'expliquent pas l'état de l'opinion qui est favorable à 68 % au droit de vote des Communautaires pour les élections au PE et à 58 % au droit d'être candidat (Eurobaromètre, N° 37, juin 1992).

Paul ORIOL


Voir aussi : la campagne "

VERS UNE CITOYENNETE EUROPEENNE ?

Lettre de la Citoyenneté n°35 : SOMMAIRE

Retour à la présentation : LETTRE DE LA CITOYENNETE

Retour à la page : ACCUEIL