26e année  N°151  JANVIER – FEVRIER  2018


Quelles évolutions en vingt-cinq ans ?

 

En 1993, l’Union européenne ne comptait que 12 Etats membres. Elle en compte aujourd’hui 28 et demain 27 si le Brexit se confirme. La Suède dès 1975 et la Finlande en 1991 avaient accordé le droit de vote local aux étrangers avant d’adhérer à l’Union. Les autres nouveaux Etats ont au minimum, conformément au traité de Maastricht, accordé le droit de vote et d’éligibilité municipal et européen aux ressortissants des autres Etats de l’UE résidant sur leur sol. Certains ont profité de la mise en conformité de leur constitution ou de leur code électoral pour élargir à tous les étrangers le droit de vote municipal.

Le droit de vote des étrangers progresse

Trois exemples montrent les progrès de la citoyenneté des étrangers en un quart de siècle.

 Dans l’UE, l’exemple le plus intéressant est la façon dont le Luxembourg a élargi progressivement sa base électorale. Au moment du traité et du fait de la proportion importante de résidents étrangers communautaires, le Grand-Duché obtient des dérogations, en particulier sur la durée de résidence exigée pour avoir le droit de vote et d’éligibilité. A plusieurs reprises, en 2003, 2011 puis 2013, la loi électorale est modifiée pour étendre le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non communautaires et supprimer la durée de résidence exigée pour les communautaires. Le gouvernement a même tenté sans succès d’étendre aux législatives le droit de vote des étrangers.

 En dehors de l’UE, les droits civiques des étrangers ont également progressé, notamment en Suisse où l’extension du droit de vote au niveau local est de la responsabilité des cantons, soumise au vote populaire (votation). En 1993, 2 cantons sur les 26 accordaient le droit de vote local aux étrangers, Neuchâtel depuis près d’un siècle et demi, le Jura l’ayant octroyé en 1991. Depuis, trois nouveaux cantons, Genève, Fribourg et Vaud, les ont rejoints et d’autres cantons, Rhodes-Extérieures, les Grisons et BâleVille permettent aux communes d’adopter la mesure ; elle est également en discussion dans le canton de Berne.

 En dehors de l’Europe, c’est notamment aux Etats-Unis, dans l’Etat du Maryland où la composition du corps électoral est décidée au niveau communal, qu’il y a eu une évolution : en 1993, dans 6 cantons dont une seule ville de plus de 10 000 habitants, Takoma Park, les étrangers pouvaient voter ; en 2016 et 2017, 3 nouvelles communes dont 2 de plus de 10 000 habitants, Hyattsville et College Park, les ont rejoints. Au total, dans le monde en vingt-cinq ans, l’accès au droit de vote local à la totalité ou à une partie des résidents étrangers a progressé dans 25 Etats.

 En 1994, La Lettre de la citoyenneté faisait réaliser son premier sondage sur l’opinion des Français par rapport à l’extension aux étrangers non Européens des droits acquis en matière électorale par les ressortissants de l’UE après le traité de Maastricht. Nous répétons ce même sondage presque chaque année. Si les trois premières années, les ré- sultats montrent une opinion très majoritairement hostile à cette extension, à partir de 1997 les résultats évoluent de manière positive, d’abord en dents de scie autour de 50-50. Depuis 2006, il y a une majorité d’avis favorables à l’égalité entre tous les résidents étrangers. D’autres sondages, avec des questions différentes, montrent que les Français ne sont plus hostiles au droit de vote communal de tous les étrangers. Peu de sondages, en dehors du nôtre, abordent la question de l’égalité des droits en ce qui concerne l’élection européenne.

 La double nationalité se généralise

 En vingt-cinq ans, le nombre des acquisitions annuelles de la nationalité des pays d’immigration a augmenté en Europe comme aux Etats-Unis et au Canada.

 L’évolution est cependant très dépendante des modifications législatives, favorables ou non à ces acquisitions. C’est ainsi qu’au dé- but des années 2000, des politiques d’ouverture se sont traduites par des pics de naturalisations en Allemagne et en Belgique, respectivement 186 688 et 61 980 contre moins de 20 000 et moins de 10 000 dix ans auparavant. En France, le nombre de naturalisations annuelles qui ne dépassait pas 100 000 avant 1994 atteint un pic de 168 826 en 2004 mais le durcissement de la législation lorsque la droite revient au pouvoir ramène progressivement le nombre autour de 100 000 acquisitions par an. 2 % des étrangers résidant en France obtenaient la nationalité française en 1993, en 2015, derniè- res statistiques connues, ils étaient 2,6 %. Les deux évolutions les plus marquantes de ce quart de siècle sont l’extension de la nationalité multiple et de la vente des passeports dans plusieurs Etats.

 Si déjà en 1995, 75 % des nouveaux Français gardaient leur nationalité d’origine, de nombreux pays refusaient la double nationalité. Progressivement, beaucoup ont autorisé ou fermé les yeux sur la conservation de plusieurs passeports. Les sportifs de haut niveau jonglant avec les nationalités ont montré la voie. L’Allemagne, très attachée à la nationalité unique, a autorisé en 2014 la double nationalité. Plusieurs Etats africains ont modifié leur législation en ce sens ces dernières années. D’autres comme le Cameroun refusent cette double allégeance mais cela crée des remous dans leur diaspora.

 Dans plusieurs pays, ce n’est qu’au niveau des responsabilités politiques que la double nationalité est interdite. L’exemple le plus récent concerne l’Australie qui a vu la démission de plusieurs parlementaires doubles nationaux, en référence à un texte datant de 1890.

 Dans le même temps, des Etats et des officines se sont spécialisés dans l’accès à la nationalité moyennant finances. C’est particulièrement le cas dans plusieurs micro-Etats des Antilles, mais aussi dans l’Union européenne où cette vente de passeports aux plus riches permet l’accès à la libre circulation dans l’Union.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’est investi ces dernières années dans la lutte contre l’apatridie. Le drame des Rohingya en Birmanie a montré encore récemment que la question est loin d’être réglée.

 Une plus grande diversité dans la représentation politique

 Dans presque tous les pays d’immigration, les nouveaux résidents ont trouvé leur place assez rapidement dans les associations et les syndicats, plus lentement dans les instances politiques. Le Royaume-Uni a été en avance dans ce domaine en permettant d’abord aux personnes venant de ses anciennes colonies de participer à toutes les élections et en les intégrant dans ses partis politiques. Il y avait 6 élus issus des minorités ethniques dans le Parlement britannique en 1992, ils sont 41 en 2015. L’élection en 2016 comme maire de Londres de Sadiq Khan, d’origine pakistanaise, a été un événement notable. D’autres pays comme la France commencent à rattraper leur retard.

 Le mode électoral est un élément important dans la représentation de la diversité. Il est plus facile d’intégrer un représentant des minorités dans une liste élue à la proportionnelle que de le désigner pour être candidat dans un scrutin uninominal majoritaire.

 


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