4 euros 19e année  N°120 NOVEMBRE DECEMBRE 2012


Elles et ils ont dit

 

Didier Maus, président émérite de l’Association internationale de droit

constitutionnel

« Accorder le droit de vote local aux étrangers... sans qu’il y ait réciprocité reviendrait à accorder un traitement privilégié aux étrangers non communautaires par rapport aux citoyens des pays avec lesquels nous avons décidé, à tort ou à raison, d’avoir un destin commun... Inscrire dans l’éventuelle révision constitutionnelle une disposition prévoyant que ce droit de vote est accordé en fonction des accords passés avec les pays tiers permettait de respecter une stricte égalité entre les citoyens de l’Union européenne et les autres... »

Le Monde, 22-09-12

 

Bernard Lamizet, professeur émérite à l’Institut d’études politiques de Lyon

« S’il faut qu’un étranger soit “naturalisé” pour prendre part au débat public et à la décision, cela signifie qu’une fois de plus, c’est le droit du sang qui prime sur le droit du sol... La reconnaissance du droit de vote des étrangers est une façon de reconnaître... que les identités deviennent elles aussi fluctuantes, changeantes, articulant chez la personne comme dans l’histoire, un temps long de la mémoire et un temps court des événements et des ruptures... La crise des villes et, en  particulier, ce que l’on appelle la crise des banlieues, est ainsi à lire également à la lumière du débat sur le vote : c’est la crise liée à l’exclusion de populations entières qui, dans ces conditions, faute d’être admises au débat politique et à la décision publique, se retranchent dans l’imaginaire nationaliste ou religieux. Réserver l’espace de la décision à une certaine catégorie d’habitants, c’est avouer une crise grave des mobilités mêmes de la décision, c’est exprimer une forme de peur ou d’inquiétude... »

Lemonde.fr, 26-09-12

 

Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois du Sénat

« Comment concevoir que des personnes intégrées, et participant à la vie locale, puissent se voir opposer le déficit démocratique de leur pays d’origine ? Imaginer qu’il faille attendre que la Syrie ou la Chine accordent aux Français un droit de vote qu’elles n’accordent pas à leurs propres ressortissants reviendrait à conditionner le développement de la démocratie locale en France au sous-développement démocratique d’Etats tiers. Le droit de vote, en tant que droit fondamental, ne peut être conditionné aux relations entre la France et des Etats tiers. Il n’est donc ni légitime ni conforme à la tradition française en matière de droits fondamentaux de mettre ainsi le sort des personnes entre les mains de leurs Etats d’origine.

L’exigence de réciprocité, sous couvert d’un argument juridique, est une position qui aurait pour effet de vider le droit de vote de sa substance... »

Le Monde, 4-10-12

 

Catherine Withol de Wenden, directrice de recherche CNRS-CERI/SciencesPo

Aucune expérience étrangère « n’a montré une quelconque montée du communautarisme. La droite entretient là un fantasme. En France, toutes les études ont montré que le vote des enfants d’étrangers est d’abord un vote de classe... [Le droit de vote] peut mieux enraciner localement les étrangers dans les affaires qui les concernent... et n’oublions pas que cette mesure concerne d’abord des parents étrangers de citoyens français. Actuellement, ils ont de fait moins de droits que leurs enfants, ce qui ne renforce pas leur autorité. Leur donner ce droit permettrait aussi d’inclure dans un processus de participation politique des populations qui vivent bien souvent l’exclusion au quotidien... »

Libération, 20-10-12

 

Bertrand Delanoë, maire de Paris

« L’honneur de la gauche est aujourd’hui de tout mettre en oeuvre pour faire adopter, avant mars 2013, cette réforme de justice et de cohésion sociale, afin qu’elle soit applicable aux élections municipales de mars 2014.

Elle doit prendre le risque d’être caricaturée et même celui d’être momentanément impopulaire pour donner aux étrangers résidents le droit légitime qu’elle leur promet depuis longtemps. Comme l’absolution de la peine de mort en 1981, cette réforme n’est pas sans difficulté ni sans danger pour celles et ceux qui oseront la conduire. Mais comme en 1981 ils pourront compter sur le soutien des forces progressistes partout dans le pays. La perspective d’un vote négatif du Parlement, où la majorité des trois cinquièmes sera requise, loin de nous paralyser, doit nous galvaniser, pour convaincre un par un les parlementaires, au-delà des clivages idéologiques classiques, du bien-fondé de cette mesure. Dans cette entreprise difficile il ne nous est pas interdit d’échouer, il nous est interdit de ne pas entreprendre... »

Blog du 23-10-12

 


Retour au sommaire de la LETTRE n°120
Retour à la présentation : LETTRE

Retour à la page : ACCUEIL