
23e année N°139 JANVIER - FEVRIER 2016
Ils
ont dit
Jacques Toubon, Défenseur des droits
« Je voudrais souligner qu’il y a un point que le président de la République souhaite pouvoir inscrire dans la Constitution, c’est la déchéance de nationalité pour les personnes qui sont nées Françaises, qui n’ont pas acquis la nationalité, mais sont nées Françaises. Je le dis en tant que Défenseur des droits, là nous mettons le doigt dans quelque chose qui ne me paraît pas conforme aux principes républicains, c’est-à-dire deux catégories de citoyens. Des citoyens incontestables et des citoyens qui peuvent être contestés. Personnellement je pense que la République ne reconnaît qu’une seule et unique citoyenneté et là à mon avis c’est un vrai problème de principe qui va être posé. »
Public Sénat, 20-11-2015
Vincent Geisser, directeur de Migrations société
« Les Français binationaux sont traités en responsables indirects (ou collatéraux) des actes terroristes commis sur le territoire français, d’où les informations multiples à devoir prendre publiquement leurs distances à l’égard des “terroristes islamistes”. C’est bien à ce niveau qu’il convient de situer le débat sur les projets de déchéance de la nationalité à l’égard des binationaux nés français : d’une peine individuelle sur le plan juridique, on glisse inévitablement vers une peine collective sur le plan symbolique, sans qu’on parvienne à maîtriser les effets de stigmatisation qu’une telle évolution est susceptible de produire sur les esprits chagrins. »
Migrations société, 28-11-2015
Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel
« Il s’agit d’un débat politique et politicien. Il faudrait que la classe politique relise le droit avant de le malmener et de porter atteinte au “vivre ensemble” qui est le but de la Constitution. C’est une proposition perverse qui divise les Français. Elle n’a pas été faite pour lutter contre le terrorisme mais pour recomposer le paysage politique. »
lepoint.fr, 24-12-2015
Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint- Denis et Mathieu Hanotin, député socialiste de Seine-Saint-Denis
« En renvoyant les terroristes à leur potentielle autre nationalité, la France s’exonère aisément de ses propres responsabilités, de ses propres difficultés à détecter les profils à risques, et à les empêcher de commettre des actes terroristes. Nous qui sommes élus d’un territoire directement frappé par les actes terroristes et qui est riche de sa diversité, nous disons notre volonté de lutter sans merci contre la menace terroriste, mais nous sommes résolument opposés à l’inscription de la déchéance de nationalité pour les binationaux dans la Constitution. Nous sommes déterminés à ne pas laisser faire ce qui nous semble être une faute qui divise la France en attentant aux principes fondateurs hérités de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »
liberation.fr, 30-12-2015
Jean-François Balaudé, président de l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense
« Il serait très regrettable qu’un gouvernement et un Parlement, qui se réclament de l’héritage de ceux qui eurent le courage d’abolir la peine de mort, ne parviennent pas à cette position de surplomb leur permettant de saisir que ces mêmes valeurs sont remises en cause par la déchéance de nationalité – un projet porté de fait depuis de longues années, en particulier par ceux qui souhaitent le rétablissement de la peine de mort. Un sursaut s’impose pour ne pas céder aux solutions d’affichage qui, en réalité, porteraient profondément atteinte à notre pacte républicain. »
Le Monde, 31-12-2015
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