4€ 15° année - n° 89 SEPTEMBRE - OCTOBRE
2007
PARANOÏA
Dans leur Lettre de mission à Brice
Hortefeux, le président de la République et le Premier ministre
affirment : "il est aussi inconscient
de croire que l’immigration est sans incidence sur le devenir de notre
nation que de penser que l’immigration n’a pas contribué à
forger notre identité ".
C’est là une évidence. Qu’auraient
été les "Trente glorieuses" sans la main d’œuvre immigrée,
la science française sans Marie Curie, les lettres françaises
sans Rousseau et Zola, la politique française sans Gambetta, Balladur
et… Sarkozy ? Il est plus difficile de dire "quelle incidence elle aura
sur le devenir de notre nation ".Il n’est pas interdit de se poser la question
de façon différente : "Quelle
influence aura la politique actuelle de
l’immigration sur le devenir de notre
nation ?".
Et là, les choses sont plus claires.
Qui ne voit les conséquences sur la vie de millions de personnes,
y compris françaises, de l’obsession de l’immigration ? Rafles dans
les quartiers " immigrés ", arrestations dans les écoles
ou à la sortie des classes, contrôles au faciès, suspicion
des mariages mixtes, criminalisation desactes de solidarité, y compris
au sein d’une famille…
En restant dans le champ des préoccupations
de la Lettre, qui ne voit à quel point l’obsession de la fraude
concernant la nationalité française entraîne les pratiques
administratives sur des chemins dangereux et réveille de grandes
douleurs qui touchent de nombreux Français quelle que soit leur
origine - Libération s’en
est fait l’écho tout cet été - : suspicion de leur
nationalité, à la simple vue de leur patronyme ou parce qu’ils
sont nés à l’étranger ou parce que leurs parents sont
nés à l’étranger ou même dans des départements
appartenant ou ayant appartenu à la République… La loi et
les fonctionnaires qui l’appliquent, semblent avoir oublié que l’Alsace
est, malgré les vicissitudes une terre française, que l’Algérie
l’était jusqu’en 1962 ! Alors que la loi est claire "est
Français tout enfant né en France d’un parent né en
France", voici des Français à
qui on demande de "prouver" une nationalité qu’ils ont depuis de
longues années ou depuis toujours, quelquefois depuis plusieurs
générations, qui ont fait une carrière de fonctionnaire,
de militaire, qui ont été des élus de la République…Etrange
retour de l’Histoire : certains à qui on voulait retirer leur nationalité
française – et la vie – à cause de leur religion qu’ils devaient
déclarer sur leur carte d’identité ou sur leur poitrine,
doivent, aujourd’hui fournir
un certificat de religion pour se la voir
reconnue ! Certains quoi qu’ils fassent ne sont toujours pas de "vrais"
français. Il ne fait pas de doute que cette paranoïa laissera
des traces. Et pas seulement chez les victimes.