LA LETTRE
DE LA CITOYENNETE
NATIONALITE, DROIT DE VOTE DES RESIDENTS ETRANGERS
20F 7° année -N°47 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2000
Écart entre le nombre d'habitants et le nombre d'électeurs aux Pays-Bas et en Belgique
Ce texte est la synthèse des travaux du sociologue belge Dirk JACOBS dont la thèse sur le sujet date de 1998 et qui a publié récemment un article dans "la revue politique" du CEPESS (Bruxelles).
Il y a contradiction entre les principes fondamentaux selon lesquels, d'une part, les États-nations s'auto-administrent et, d'autre part, la politique, en régime démocratique, se fait pour et par le peuple, entendu comme somme des individus : la différence entre les 2 principes est l'ensemble des étrangers, sauf dans certains pays pour certaines élections locales. C'est à cette différence que s'attache l'auteur.
Il existe deux solutions complémentaires pour réduire cet écart : favoriser la naturalisation qui donne l'ensemble des droits de vote et accorder le droit de vote aux étrangers.
Droits politiques
En Belgique, la Constitution attribuait le droit de vote aux élections politiques aux seuls Belges. Depuis la 11/12/1998, la Constitution autorise le droit de vote à tous les étrangers. Une loi l'a institué aux élections municipales pour les étrangers communautaires. Une future loi pourra le faire pour les étrangers non communautaires (une disposition veille à ce que le droit de vote ne puisse être exercé avant 2006). Une loi de 1999 a donné le droit de vote (mais pas d'éligibilité) aux Belges résidant à l'étranger. Le mandat l'échevin (= maire-adjoint) est réservé aux élus belges jusqu'en 2006, le mandat de bourgmestre (= maire) devant l'être de façon permanente.
Aux Pays-Bas, depuis 1983, les nationaux résidant à l'étranger ont le droit de vote pour la Seconde Chambre et le droit de vote et d'éligibilité aux Conseils communaux. La loi précise depuis 1985 ce droit pour tous les étrangers résidant légalement depuis plus de 5 ans aux Pays-Bas. La condition relative à la durée de séjour ne vaut pas pour les Moluquois, ni, depuis 1996, pour les étrangers communautaires.
Acquisitions de la nationalité
La qualité de national est obtenue à la naissance (attribution) ou postérieurement (acquisition). Elle est transmise par le sang (au moins un parent national) ou obtenue par application de textes dans lesquels le premier critère est le lien au territoire (résidence et durée de séjour), c'est le droit du sol. Notons qu'il existe une modalité supplémentaire, marginale en termes statistiques : un bon footballeur étranger (ou chanteur ou manager ou tirailleur...) sera naturalisé pour services rendus.
En Belgique et aux Pays-Bas, le droit du sang était paternel et masculin jusqu'en 1985. Ces deux pays ont également une disposition concernant le double droit du sol ("est nationale toute personne née sur le sol national, de parents qui y sont eux-mêmes nés"). Ils possèdent également des règles en matière de droit du sol simple, pour les personnes nées sur le sol national de parents qui n'y sont pas nés. Ce droit a de grands effets en Belgique, de petits aux Pays-Bas. La naturalisation, à l'inverse a de grands effets aux Pays-Bas et de petits en Belgique.
Le tableau ci-après donne le pourcentage des acquisitions de nationalité par déclaration (essentiellement droit du sol simple et mariage, ou, dit autrement, les acquisitions qui ne sont pas par naturalisation ou réintégration) sur le total des acquisitions. La principale qualité est que les premières sont de droit alors que les secondes sont une prérogative de l'État (grande première mondiale, ce n'est plus vrai en Belgique avec la loi de mai 2000 qui crée un droit à la naturalisation - voir la Lettre n° 45-)
Tableau : Toutes les données
proviennent des administrations des États, mais certaines ont transité
par Eurostat : des écarts importants entre les deux sources ont
été constatés pour la France. Il convient donc d'utiliser
ces résultats avec prudence
PAYS-BAS | BELGIQUE | FRANCE | |
1986 | 36,0 | 97,0 | 31,3 |
1987 | 48,1 | 82,0 | 43,5 |
1988 | 23,2 | 79,7 | 41,3 |
1989 | 6,0 | 79,5 | 45,0 |
1990 | 6,2 | 76,9 | 46,2 |
1991 | 7,3 | 83,4 | 45,8 |
1992 | 6,2 | 95,5 | 45,8 |
1993 | 7,1 | 91,5 | 43,8 |
1994 | 5,0 | 85,7 | 61;1 |
.
Si l'on s'en tient à l'ordre de grandeur, on constate que le droit du sol est plus fort en Belgique qu'en France et qu'il est plus faible aux Pays-Bas. Étant bien entendu que toutes les acquisitions et les attributions, sauf celles découlant du droit du sang, sont des effets du droit du sol. La Palice l'aurait aussi bien dit mais les discours des politiques montrent que n'est pas La Palice qui veut.
Enregistrons le paradoxe de l'immigration : en 1999, les Belges d'origine algérienne ou tunisienne étaient d'ores et déjà plus nombreux que les Algériens et Tunisiens non belges, ce qui sera probablement le cas des communautés marocaine et turque dans un proche avenir. Il faut préciser qu'en 1981 déjà le tiers des ressortissants marocains, turcs et tunisiens étaient nés en Belgique, comme la moyenne de l'ensemble des résidents étrangers, cette proportion atteignant presque la moitié des Algériens.
Exclusion du droit de vote
Aux Pays-Bas, les étrangers représentent 4,3 % des résidents. En Belgique, 8,8 %. Aux Pays-Bas, les étrangers non communautaires représentent 78 % des étrangers. En Belgique, 40 %. Le pourcentage d'étrangers dans la population néerlandaise en âge de voter est de 4,6 %. La condition de 5 ans de résidence a donné le droit de vote à 60 % de ces 4,6 %, soit 2,8 % de la population.
En Belgique, on constate, compte tenu des chiffres des étrangers communautaires, qu'environ 3 % de la population adulte est privée du droit de vote. Dans la région de Bruxelles, ce chiffre monte à 13,2 %.
L'auteur constate qu'avec les nouvelles lois de 2000, le gouvernement belge a sérieusement avancé sur la voie de l'acquisition de nationalité. Il appelle à avancer sur la deuxième voie, celle de l'attribution du droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections locales et même d'opter pour une dissociation générale de la citoyenneté et du droit de vote pour pouvoir résoudre entièrement la question.
Pierre GINESTE
Lettre de la Citoyenneté n°47 : SOMMAIRE
Voir aussi n°46 : BELGIQUE et N°37 : PAYS-BAS
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